Aujourd'hui ma table - Critiques


Au jour le jour, les relations d'un poète avec sa table. Que dit-elle, que fait-elle aujourd'hui ? Elle a toutes les caractéristiques d'un être vivant, son aspect physique, ses qualités, ses défauts, elle parle, elle hurle, se fait présence que l'on ne peut esquiver. Elle prend des couleurs différentes, remonte à son origine, elle a ses plaisirs, ses colères, elle fait des confidences.

Table qui donne la parole aux mots dont se saisit l'auteur pour en prolonger le sens et le porter ailleurs, le multiplier là où le lecteur est surpris, transporté. Parfois, des mots parasynonymes se rapprochent qui créent des images qui s'entrecroisent. Écriture stricte, sombre qui va à l'économie de mots, qui assure au poème sa verticalité. Cette rigueur parle aussi des mots pour décadenasser / recadenasser / le mystère dans un-va et-vient comme un échange entre l'auteur et sa table d'écriture.

Tout passe par la table : viol du papier, les mots nouveaux, lieu où s'épure son sang, à travers le bois / de la table… Elle tient aussi son rôle de monde extérieur, elle-même en dehors de l'auteur. Elle tient donc un double rôle : elle est l'auteur et pas l'auteur. Ne serait-elle pas aussi une métaphore de la poésie ? Dans cette écriture franche qui a ses repères, elle nous conduit toujours quelque part : pèlerins / du désir mais qui par le jeu d'assonances et d'allitérations ne se prend pas au sérieux. Il y a toujours un recul par rapport à ce qui est dit:  Aujourd'hui / ma table se dit stable. Aujourd'hui / table ma table. Le lecteur revient toujours à l'essentiel de la vie après des pérégrinations de sens où nous revenons à notre quotidien qui passé par la poésie s'est épuré:
je préfère l'ananas / au citron vert // l'infusion à l'effusion.

Jean-Luc Godard nous parle à en mourir et fait de nous un de ses complices.

(Jean-Marie CORBUSIER) (Journal des poètes 1 2023 92e année dans la rubrique « À livre ouvert »)


Qu'elle soit de bois ou de pierre, de cuisine ou de salon, une table apparaît d'entrée comme un meuble à l'évidente utilité, trivial même. Mais ici, elle en vient à occuper toute la place, et par la grâce d'une plume de poète, la table se met à frémir, à bouger, à tourner dans une tout autre dimension:

Et quand la table

se fait tente

refuses-tu ce voilier


et quand la table

se fait ventre

peux-tu lui refuser le tien

On le savait (et plusieurs titres de sa bibliographie sont là pour nous le rappeler, tels Laisse en ciel ou Cris de corps mourants), Jean-Luc Godard aime jouer avec les mots (le jeu de mots / éprouve l'univers, écrit­-il dans ce nouveau recueil), les faire tinter, les faire sonner, les faire résonner sans jamais perdre sens et raison car son jeu n'est nullement gratuit.

(Christian LIBENS) (MAUGIS, La revue des Amis de l'Ardenne 82, décembre 2023)


Poèmes bien ciselés (un travail d'orfèvre), subtils; ils « chantent » la lenteur, l'arbre, la lumière et, d'une certaine manière, contribuent à maintenir la vie en vie.

Poésie de l'écoute, de la recherche de l'essentiel de ce monde, du retour à la nature, de l'écoute du... silence (le vase où recueillir l'instant dixit Guillevic); mieux, c'est une poésie « aux aguets » de l'au-dehors et de l'au-dedans...

(Pierre SCHROVEN, poète et critique, membre du Conseil d'Administration et du Conseil d'Edition de la Maison de la poésie d'Amay)


Les qualités d'auto-analyse de Aujourd'hui ma table m'impressionnent.

Sous une amorce paisible et familière, chaque poème dépouille un aspect de soi : souvenir, problème, malaise, désir, déchirure …

Rythme bref, images, langue de poète et constat souvent douloureux.

Un livre à relire, dans l'espoir de promesses à venir.

(Claire Anne MAGNÈS), Poète, traductrice de poésie hongroise, critique littéraire et chroniques de langage.
Rédactrice en chef de Francophonie vivante (Association Charles Plisnier), de 1989 à 2005.


L'anaphore "aujourd'hui ma table" conduit chaque poème de ce livre bien construit aux sens multiples que le poète assigne à ses textes.

L'auteur du primé "L'âme ses noces" (1990) convie ici désirs, regrets, vœux dans une langue où le distique est roi et le rythme souveraine fréquence, à laquelle s'ajoute ce jeu incessant sur les allitérations et les assonances.  

La table consigne travail d'écriture, réflexion morale, pause dans la vie qui s'écrit; le recul énonce ce "feu" qui attise le travail.

Tout passe au van du poète : voyages, sensuels projets, paysages intérieurs.

La finesse du poète, qui joue des mots sans abuser, plonge le lecteur comme dans un livre d'heures, efficace et discret, auquel on ne peut résister tant le message le concerne lui aussi.

Un beau retour en poésie d'un poète qui n'avait plus publié depuis longtemps. 

(Philippe LEUCKX)

Poésie que j'aime beaucoup, délicate, humble, sensitive.

(Luc BABA)


Quel point de départ, cet « Aujourd'hui ma table » itératif !

Cela permet de passer du quotidien au rêve... ou à la réflexion, notamment sur les mots qui sont, si je puis dire, notre « pain quotidien ».

Cette démarche nous évite les divagations post-surréalistes dont nous ne manquons.

Que le poète en soit remercié et félicité !

(Georges JACQUEMIN)


Voici un recueil qui témoigne d'un travail rigoureux d'écriture, nourri de métaphores, d'allitérations nombreuses et de fins jeux de mots, agencés avec maîtrise. 

Des réflexions de vie, des souvenirs, des images qui en entraînent d'autres, de la sensualité, une touche de surréalisme : l'on retrouve un peu de tout cela dans les textes de Jean-Luc Godard qui met en scène « la table », celle où l'on mange, et surtout celle où l'on écrit et qui parfois « fait table rase ».

La table est personnifiée; elle « fume », « envie la chaise », « s'envole », « s'énerve », somnole, donne, se venge, se pâme, retable, pleure, piaffe, « se dit stable », etc.

La table semble vivre sa vie propre (« Aujourd'hui/ma table a choisi/ le cristal/assumer/tout le poids du plomb ») mais, bien sûr, sont intimement liés à ses états d'âme de table et à son histoire, ceux du « je », de l'auteur, du poète. 

(Martine ROUHART)

J'ai frappé à la porte de ta table et elle m'a ouvert.

Et elle s'est livrée, à travers une foule d'états d'âme et d'humeurs...

Jolie idée, cet objet-personnage, qui lance chaque texte. Euh... n'en est-ce pas l'auteur(e) ?

Ces mille variations d'humeur, de sentiments, de sensations, d'impressions. Et pas deux minutes semblables dans nos vies...

Comme un morceau de vie découpé en brefs instants.

C'est à la fois léger et profond. Et même dense (et danse).

Assez musical. Beaucoup de synesthésie. Et de la sensualité, sensorialité.

(Evelyne WILWERTH)


Je me suis précipitée pour le lire une première fois en éprouvant la sensation de bien retrouver l'auteur des autres œuvres que j'avais appréciées.

C'est vraiment un tout bel album et je ne me priverai pas d'en reprendre souvent des extraits en les dégustant lentement, comme ils le méritent, en les mâchonnant et en les disant.

(Rose-Marie NOÉ)


On retrouve, dans « Aujourd'hui ma table », Jean-Luc Godard et son sens inné de la poésie, proche des choses vécues, sans sophistication inutile, avec juste ce qu'il faut d'énigmatique pour ne pas glisser dans le prosaïque.

Touchante, cette poésie sans rien de prétentieux, en prise directe sur la vie, d'une sensibilité voilée de pudeur...

(Daniel LAROCHE)

Une idée originale, de partir à chaque fois de la table.

Mais l'originalité n'est pas seulement dans ce système qui pourrait paraître un peu répétitif : chaque poème aborde un thème plutôt grave, une forme de quête personnelle.

Une première lecture (je le fais toujours avec un recueil) porte le lecteur comme dans le fauteuil d'un train, qui passe devant chaque table comme devant une petite gare où on devine que quelqu'un ou quelque chose est tapi derrière les panneaux...

C'est à la deuxième lecture qu'on comprend d'emblée qu'il faut marquer l'arrêt, descendre de son compartiment pour visiter chaque gare. Et dans le compartiment s'accumulent les notes, voire la recette propre à chaque gare pour porter le lecteur au centre de lui-même à travers la quête du poète.

Et l'on découvre ici et là que la recette n'est pas complète, qu'il faudra retourner visiter l'une ou l'autre gare. Toutes, peut-être. Je crois qu'à chaque table se trouve un miroir qui renvoie une image de soi-même que l'on ne connaît pas assez, voire pas du tout...

(Jean-Luc GEOFFROY)


BIENVENUE A MA TABLE
Le poète belge, parfait homonyme du célèbre réalisateur, offre quelque soixante métaphores autour de sa table. Tantôt, elle "se sent bancale" ("ce monde elle le voudrait plus table"), tantôt elle "semble somnoler", "hurle" ou "se marre" ("a-t-elle lu ce que j'avais écrit"). "Aujourd'hui table ma table/sur un avenir plus rond", se risque l'auteur qui, non sans humour, se plaît à jouer avec les mots et leur sens.

(Michel PAQUOT, Journal L' AVENIR


Fort intéressante cette démarche poétique avec des images qui me parlent, comme « la corde se sauve dans le nœud », « mes pliures sont d'encres océanes », « poulies du regard » ...

Le poète a l'art de choisir les mots qui tintent et teintent la table du poème! Les sonorités guident son écriture, ce qui est fort agréable à la lecture.

Cette passion rejoint la mienne...

(Anne-Marielle Wilwerth)



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